mardi 3 décembre 2019

"Dans son regard aux lèvres rouges" d'Yves Charnet


"Dans son regard aux lèvres rouges" d'Yves Charnet

Je tourne la dernière page de ce livre puis reviens à la première de couverture. Geste automatique d’un livre terminé pour lequel on désirerait ne pas l’avoir encore lu. Retrouver le questionnement à la lecture du titre pour savoir s’il va combler votre attente. « Dans son regard aux lèvres rouges ». A cette fin de lecture, le titre est par chacun de ses mots une évidence.

J’ai toujours un peu de mal à lire les autobiographies ou autofictions. Comme une intrusion. Un regard se devant « d’analyser » les méandres d’un esprit tortueux (le plus souvent).  Dès la première phrase cette crainte vole en éclats. Scène érotique.
Dans cette chambre d’hôtel il n’y a pas de psyché, seulement une femme et un homme sans reflet.

D’emblée je constate que l’auteur n’est pas embarrassé d’une quelconque pudeur bourgeoise ou religieuse. Le ton est donné. Pas de faux-semblant. « …aux lèvres rouges ». Yves Charnet joue avec le réel, le plaisir puis le rêve et le désir. Son écriture le lui permet. Elle se veut simple. On pourrait dire « bien du terroir » s’il s’agissait d’adopter un tel vocabulaire concernant le sexe.  Cependant l’auteur l’affine d’une envolée d’images, de métaphores qui rend la lecture fine, subtile. Un journal intime d’actes, de ressentis, de réflexions, de références.  Un huis-clos avec deux personnages. Et quels personnages ! Lui en quête d’un grand amour ? Elle, mariée. Histoire d’adultère ? Ce serait trop réducteur. 

Elle, décrite par l’auteur qui dessine de ses mots son corps, son visage avec sensualité, érotisme à travers leurs ébats. Son élégance séduisante ou séductrice. Elle qui ne s’exprime qu’à travers des allusions taciturnes de sa vie de famille, son mari, « ses gamines ».  Monotonie bourgeoise ? Qui est-elle ?

Lui dévoile son plaisir grâce à ce corps féminin. Il fait d’elle sa muse, elle s’en réjouit. Il vit dans l’attente de cette femme et de leurs rencontres denses et brèves. « ma mouette ».

Eux s’abreuvent de plaisir. Tous leurs sens en alerte. Ils se goinfrent d’amour. Ils se délectent de mets les plus fins, de vins les plus capiteux dans des décors princiers, vertigineux. Passionné d’Art, il l’entraîne dans les galeries, les théâtres. Elle « en bientôt quarante ans…ne s’était jamais rendue à un tel truc culturel ».

L’auteur ne se satisfait pas du plaisir charnel. Il lui transmet ce qu’il a de plus cher. « Elle était devenue brusquement autre chose qu’une conquête de passage ».

« Dans son regard aux lèvres rouges » est bouleversant d’évocations de souvenirs entrelacées de pensées, de questionnements, de ressentis face à la rupture, la perte de cette femme.
La psyché brise le miroir. Le titre se scinde en deux. Les lèvres rouges fondent. Il ne reste que « dans un regard ».

Je me pose la question à savoir s’il s’agit du regard d’Yves ou de Romy.  Je pencherais pour celui d’Yves qui dès le début du livre nous retrace ces moments partagés qui se veulent exceptionnels. Je retiens surtout la sensibilité de cet homme. La fin d’une petite mort. Le début d’une vraie. Ses questionnements avec les références citées sonnent comme un préambule. La perte d’un être façonné par l’auteur lui-même ou la perte d’un amour victime des préjugés, des soi-disant valeurs de notre société ?


Quoi qu’il en soit ce livre parfois chaotique, brutal, excessif, frénétique par sa déchronologie, son ton, son rythme, ses mots, témoigne de cet état qu’un être humain subit et vit lors de la perte d’un être cher. « Dans son regard aux lèvres rouges » est teinté d’une poésie aux couleurs de l’aura.

 Comme j’ai apprécié les « nobles » références, j’ai aimé celles du peuple avec Lama, Nougaro etc... Signes de clairvoyance et d’intelligence de l’auteur.

« Un éclectique est un navire qui voudrait marcher avec quatre vents » Charles Baudelaire. 

Le souffle de ce livre bouleverse le lecteur.  


dimanche 1 décembre 2019

"Aime-moi" de Brigitte Giraud



« Aime-moi » de Brigitte Giraud

Je suis devant un tableau aux lignes imprécises, touches monochromes. Pas de segments rationnels.
En tête à tête avec un chef d’œuvre abstrait. Une invitation curieuse qui navigue entre désir et espoir par des entrelacements de mots et d’images sublimes.

Cet espace m’absorbe. Les lignes s’écrivent d’un corps. Le temps s’en mêle. La peau s’en porte témoin. Fusion.

Le temps, les éléments, les êtres s’insinuent dans cet univers. Il n’est pas chaotique. Il y règne un ordre certain. Une quête d’absolu. Le spleen étreint l’enchantement.

Le froid et la chaleur se côtoient de poème en poème avec une élégance, une délicatesse et une attention extrêmes et sensuelles. Les images en noir et blanc épousent cette harmonie.

J’avance page à page. Je me sens parfois comme une intruse, spectatrice de cette intimité pudique, ingénieusement dévoilée par des métaphores et si profonde que chaque être animal ou végétal et même la matière se personnifient.  Ils s’accordent à cette attente. Vivent. S’agrègent à lui, à elle.

« Aime-moi » Des mots noirs et blancs, une voix, une lampe. Couleur, son et lumière éblouissent chaque mot de cette remarquable poésie.

mercredi 13 novembre 2019

Le cri


Je me souviens de mes années de jeune collégienne dans un pensionnat qui accueillait les enfants du monde rural et plus rarement les enfants citadins.  Les gosses de la ville bénéficiaient de cet établissement grâce à leur statut social particulier de normes égarées. Autrement dit « les cas sociaux ». Quelques-uns atterrissaient là par « hasard ». Quelle meilleure thérapie juvénile que le dressage pour les récalcitrants ? A coup de génuflexion, mains collées au sol sous les genoux indépliables. Sans croix accrochée au- dessus du tableau noir. Laïcité….  Quelques brutalités gestuelles de centre de redressement, quelques injures le plus souvent verbales d’un champ lexical aux mots crus, gras, poisseux. Contes de mon enfance. J’espérais la fin de semaine.

C’est pourtant dans cet endroit, je le compris plus tard, que je rencontrai « la fraternité ». Cette période, où la dureté de la plupart des adultes qui nous « encadraient », la vétusté des lieux, le partage de notre quotidien entre travail scolaire, vaisselle, tâches ménagères du sol au plafond, nous a liés ; nous les enfants citadins.  Ad vitam aeternam.

Je me souviens particulièrement de ce mercredi.  Jour d’un semblant de relâche où nos petites jambes marchaient pendant des kilomètres par tous les temps. Ce jour-là un surveillant au regard lucide et bienveillant décidait d’une promenade de quelques mètres en partant de notre « caserne ». Nous nous retrouvâmes dans les bois. Liberté.   Lèvres gercées, joues rosies du souffle glaçant, je respirais la sève des arbres abattus, l’odeur délicate des moisissures d’automne. Les conifères serrés les uns contre les autres réchauffaient ma solitude. Nous courions parmi eux, au hasard de leur verdure épineuse. Sans blessure. Le « pion » nous demanda alors de crier. Stupéfaits, nous émîmes quelques sons timides. « Plus fort ! » intimait le surveillant. A l’unisson nous obéîmes à cet ordre, écho de notre aspiration refoulée : l’interdit.  Des petits piaillements puis des hurlements se fracassèrent sur les troncs, dépassèrent les hauteurs prétentieuses des pins, s’évadèrent en transperçant les nuages noirs. Et finirent en rires en cascades sur la terre.

De retour, la caserne prenait un autre aspect. Apaisés, des regards s’échangeaient des bancs en bois. Côté filles- côté garçons. Annonce prémonitoire d’autres plaisirs. Prince et princesse. Le rêve prenait fin dans « le petit coin » de cette salle de télévision. Une gauloise forte et adulte se partageait dans les murs décrépis imprégnés d’urine. La désignation de « chiottes » avait toute sa légitimité.

Ces cris me parviennent une nouvelle fois dans ma vie. Ils n’émanent pas d’un bois, la rue les reçoit. Ces mêmes hurlements déchirant de mots. Ceux de l’injustice, de la révolte. Ventres creux, yeux cernés, corps usés. A nouveau les cris se cognent non plus contre les arbres, ils battent le pavé, percutent les murs dorés. Ils s’amplifient, se soudent devant les façades destinées à les abriter près de Marianne. Demeures de l’Etat. De leur propre chef, les oubliés crient plus fort d’une même voix. Une voix qui percera une brèche jusqu’à l’inatteignable édifice. Sans « pion » ni surveillant.  Aucun écho. Aucun apaisement. Ils défoncent de-ci de-là des portails de fer. Brisent quelques vitrines des riches argentiers. Le centre de redressement se rénove.  Brutalités, injures.  Mutilations. Ils se réparent tant bien que mal. S’entraident dans leur souffrance quotidienne. Fraternité. Ad vitam aeternam.

Même caserne, même chiottes. Mêmes enfants, mêmes adultes, mêmes vieux. De plus en plus nombreux. Le fil de la misère ne rompt pas, il se déroule indéfiniment de génération en génération, s’enroule insidieusement autour d’autres proies. Les pleurs ruissellent et se mêlent à ceux de la terre. Le vert s’éteint. L’air est froid.
Les quelques grandes écoles et hautes demeures aux cabinets d’aisance restent de marbre. Volets fermés. Hermétiques et insonorisées.

Dans ce bois puis dans cette rue, je me demande :
Devrions-nous apprendre à crier ?
Devrions-nous nous détruire jusque dans les flammes ?
Les cris s’asphyxient face au silence mortuaire des sacrifiés. Même la grande faucheuse n’ouvre aucune brèche.
 Ne faire aucun bruit. Se taire et survivre. Sens abolis.




jeudi 24 octobre 2019

"Le rire de De Kooning" de Jean-Hugues Larché


« Le rire de De Kooning » de Jean-Hugues Larché

D’emblée les mots de Jean-Hugues Larché tracent les lignes. Evocation d’horizon par le nom à lui seul « Long Island », de droiture « excroissance perpendiculaire ». Ces premières visions sont vite démenties. Jean-Hugues Larché invite à creuser, à délisser cette terre, la rendre vivante, la fouiller dans le temps. Les racines de « Long Island » surgissent. Les Amérindiens la nommaient « Paumanok », l’Ile qui paie des tributs. 

Dans ce décor subitement chaotique De Kooning fait son apparition «…seul dans les fondations profondes aux larges parois déblayées au buldozer. » L’écrivain jette les dés. Je pressens par une description fine, minutieuse de cet homme bien planté ou en déséquilibre dans cet univers « Il est debout au bord d’une trace striée par les roues d’un engin » que « Le rire De Kooning » va résonner longtemps dans mes oreilles. 

L’auteur incite le lecteur à connaître, comprendre De Kooning en connivence totale avec son environnement. L’atelier et le peintre ne font qu’un comme en atteste cette phrase de De Kooning « J’ai travaillé sur cet atelier comme un peintre ». Je saisis que le rire de Kooning m’amènera plus loin qu’une rencontre avec cet artiste. Il est une véritable analyse embellie d’une écriture colorée, sculpturale qui charme et accroche.

Cette terre excavée par la volonté de De Kooning réveille l’ancestrale tribu. « La force tellurique et la lumière atlantique traversent le paysage… », « Le chaman de Kooning rit entre ciel et terre… ».  Fusion entre le peintre et les éléments. Puis la première création de l’artiste : une femme. A son tour elle pénètre ce magma créatif « Avec De Kooning, la femme devient paysage ». Elle interagit avec le peintre. « Woman n’en finit plus de couler sa couleur ». Je tourne les pages, je ne lis plus. Les couleurs, les formes, la matière écrasent les lettres. Je vois, je sens. Tel est le talent de l’écrivain.  Alchimie volcanique. Aurait-il été happé par cette métamorphose ? « En 1996, De Kooning dessine les yeux fermés, décadre, démembre, désorganise. », « Comiques graphies de corps pré-anatomiques ». Ancrage indigo. « De Kooning s’enfonce progressivement dans une certaine aphasie…ses tableaux perdent de plus en plus leur titre, leur rapport aux mots. Et même sans titre, la couleur parle, le timbre est toujours clair, le tempo serpente et tombe juste. » 

Chaque page de ce manuscrit reflète une œuvre qui miroite celles de De Kooning. Tout est interaction. Les tableaux, les sculptures, les bronzes s’animent sous la baguette du chef d’orchestre qui n’est autre que Jean-Hugues Larché. Une histoire. Un conte. Voyage initiatique ? Qu’importe ! « La Recliming Figure danse au sol et pulse le jazz, le be-bop ou le free jazz. L’Hostess agite ses quatre bras semble guider un mystérieux orchestre. La Seated woman assise en bord de mer écoute le roulis… » J’imagine une scène de vie, de théâtre. « Un tableau de tableaux » dans un univers sincère, profond, d’un autre temps. Création. Vivantes sont ces œuvres tant dans leur beauté que leur laideur ! Extrêmes, envahissantes, incurables.   

Au fil du manuscrit, l’abcès se perce. Un furoncle d’angoisse indescriptible, de celle dont l’inconscient se goinfre comme ces femmes « ventrues, fessues, à grosses mamelles, mais leur bassin est étroit et leurs jambes tubulaires sont comme enfoncées, rivées au sol ». L’auteur extirpe par ses mots le malaise du « spectateur ». « Elles sont emblématiques de son traitement de l’hystérie universelle qui est on ne peut plus concret dans sa monstration ».  Angoisse légitime. Il rappelle les propres paroles de De Kooning à leur propos « Moi-même elle me fait peur (la woman 1), ce n’est pas tant le fait de la regarder que de penser comment elle est sortie de moi, comment ça s’est passé. » L’auteur rajoute « Il a redonné vie et corps à une femme en inversant le processus naturel de la procréation ». Femmes au pouvoir démesuré, surnaturel ? « La femme devient paysage ». 

Le chaman est toujours là. De quoi en rire ? Oui, aux éclats. Savait-il déjà où il nous conduisait ? J’aime le croire.
Une photographie de De Kooning riant boucle le manuscrit. Je retrouve le début de « le rire de De Kooning ». Les mots, les images. Beau clin d’œil, Monsieur Larché ! La boucle est bouclée. RIRES. L’île n’en finit pas de payer ses tributs…

Marie-Noëlle Fargier


lundi 7 octobre 2019

La Brenne


J’ai rencontré la Brenne. 

Les yeux fixes, la nuque droite sur cette étendue colorée d’herbe généreuse et plate. Ils n’ont ni espéré, ni deviné de cols inatteignables. Ils se sont contentés d’un ciel. Réverbère d’une terre. Synchronie universelle sans prétention. Ma nuque ne se renverse pas, elle se souvient de cette même droiture face à l’horizon. Celui de la mer. Ce ciel lui ressemble. Infini. Serait-ce le souvenir de son passage lointain ? Avant que cette terre ne se creuse pour accueillir les eaux boueuses des torrents de mon massif…

Etangs blanchis de nymphéas, roselières, landes mauves de bruyères, champs noircis d’automne, bocages de verdure murmurés par le baldaquin rosé, filaments argentés percés de rayons translucides, sages et réguliers. Douceur. Seule, debout je contredis cet univers longitudinal. Longévité ? La cistude en témoigne. 

Je poursuis cette route, ligne droite sans surprise. Des arbres sagement me saluent, haie d’honneur. Seuls des chemins de terre jaunie autorisent le passage des vivants. La forêt est dense. Autoritaire, elle transperce de sa hauteur l’assiette terrestre. Ma nuque se renverse. Mes paupières se cognent aux feuilles des grands chênes, des pins, des feuillus. Ils chuchotent au firmament sa grandeur retrouvée. 

D'un sentier, j’aperçois quelques biches, quadrupèdes liés à cette horizontalité. Elles approchent de l’asphalte humain, effarées par une salve d’horreur mortuaire, de tirs sanguinaires. Je conçois ma place d’humain. Humblement baisse la tête. Honteuse. Je quitte les bois. 
Le ciel et la terre forts de leur transparence où l’œil humain ne se repère m’invitent à nouveau. Le soleil lent et léger, lance des éclairs endormis rosés sur les grès rouges de la Brenne que l’homme a verticalisés pour bâtir sa demeure. 

Qui est donc ce bipède étranger qui se prétend si grand ?

mercredi 25 septembre 2019

Je suis...





Je suis une femme. Je suis un homme. Je suis sans nationalité. Je suis une peau colorée. Je suis une peau blanche. Je suis sans âge.

Je suis actif. Je travaille dans chaque secteur. Salaire misère- salaire encore confortable. Je suis retraité. Pension misère- pension encore confortable. Je suis au chômage. Indemnités ?

Je suis croyant. Je suis athée. Dieu- Fatalité.

Je suis handicapé. Je suis valide. Carcan du condamné-Course effrénée.

Je suis malade. Je suis homologué. Contagion-Rentabilité.

Je suis syndiqué. Je suis anti-syndicat. Je suis politisé. Je suis anar. Je suis sans idéologie. Je suis dogmatique.

Je suis locataire- prix démesuré- vétusté. Je suis sans Domicile Fixe- froidure-mort. Je suis propriétaire-quelques pierres - endettement.

Je suis dans le système que je suis pas à pas. Je suis le système qui m’a identifié, reconnu, contrôlé.

Je suis seul. Je suis les règles exigées selon mon sexe, mon appartenance à un pays, ma peau, mon âge, mon état, ma religion, mon étiquette politique, ma condition sociale.
J’obéis. Je paie. Survivre. Sinon SANCTION- EXCLUSION.
Qu’importe ce que je suis.  Je m’exclus du système. Libre en pensées et en actes. Je dégomme cette première personne du singulier qui n’est qu’un corps quel qu’il soit, éphémère et limité. Seul.

Je m’unis à tous ces « je » sans questionnement pour faire face à ce monstre.  Ce « lui » ancestral nouveau-né des dominants, alimenté sou après sou par les corps usés. Éternel tout puissant, à vocation de soumission inexorable.  Cerveaux endoctrinés, lobes divisés par les multiples « je » sous les scalpels des grands argentiers. Lobotomie. Echec et mat.  

Le tablier se renverse. Les pions s’éduquent, s’invitent à la théorie des jeux. Le jeu des décideurs. Celui qui se joue dans les grandes écoles réservées aux progénitures des puissants. Les seize pions s’indignent et s’imposent. Ils s’alignent et foncent sur les pièces maîtresses. La dame et le roi dans leur tour d’ivoire envoient leurs fous et leurs cavaliers enfermer et briser ces rebelles.  Frémiraient-ils à la venue du « noûs » ?
Salvatrice convergence de tous ces « je » !

Marie-Noëlle Fargier

dimanche 14 juillet 2019

Un 14 juillet...


Le 14 juillet 2019

Ils n’ont pas été élus. Ils ne sont ni chefs ni leaders.  Ils pensent profondément, parlent généreusement, agissent respectueusement.

Sont-ils des idéologues ?
 Ils ne formulent pas, ils ne développent pas un système d’idées encore moins une doctrine. Ils n’imposent pas d’idées utopiques philosophiques, politiques ou sociales. Ils se contentent de dénoncer.
Serait-ce une utopie de croire en une société égalitaire, juste ?

Ce ne sont pas des hommes politiques puisque la politique est relative à la théorie du gouvernement et que l’opposition ne se fait pas entendre. Ils ne sont pas enchaînés.

 Seraient-ils les précurseurs d’un nouveau système pour se sortir de cette ornière ?
Effluves synthétiques et belles parures respirées, enviées, convoitées dans une course dirigée vers une consommation effrénée. Endormis. Le panier s’est vidé. Certains se sont parés de diamants, la plupart ont été lapidés. Les joailliers débordent de commandes. Les boulangeries ferment.

Sont-ils des héros ? On pourrait le penser et même en avoir la certitude puisque Jupiter, du haut de son char, en ce jour du 14 juillet s’empresse de les mettre sous les verrous. Aurait-il peur de leur pouvoir divin ? Celui où Râ inonderait la France d’une même volonté : LIBERTE !  Ce mot à lui-seul abolit toutes les soumissions. (Cet esclavagisme est savant, ses origines sont des racines tenaces. Tel le liseron rampant, grimpant, résistant, étouffant ;   fleur éphémère et légèrement parfumée ; laxatif de toute rébellion.)

Les héros nous ont réveillés. Le liseron est arraché. Les oubliettes resurgissent. Râ réincarné s’infiltre à travers les barreaux.

Ces héros sont des hommes, je salue leur courage.

Nous ne serons plus amnésiques. Nous ne serons plus prisonniers.

lundi 8 juillet 2019

Pinocchio



Serrés les uns contre les autres, ils étouffaient ; les épaules écartelées par des cintres de fer, sclérosés, ils se taisaient. Une obscurité totale régnait dans la penderie de la maison du maître. Sans faux pli ni faux col, ils attendaient au mieux le Secours Populaire au pire la déchetterie !

Enfin, un jour ils entrevirent un filet de lumière. L’oiseau messager fit coulisser la porte et les invita à sortir tous ensemble dans la rue. Les gilets se décadenassèrent, les cœurs palpitèrent ! Chacun retrouva sa couleur primaire sous le soleil automnal. Il prit la liberté de se teinter de mots, de dessins dénonçant ses conditions de vie dans ce placard. Phénomène incroyable, chaque dressing s’écroula ; les gilets sortaient et dansaient sur le pavé. Plus ils espéraient, plus ils se coloraient. 

La maison-mère ne supporta pas ce chaos, cette pigmentation audacieuse qui pouvait devenir un mélanome pour ses fondations. Sans hésiter elle les atomisa à coup de gaz toxiques. Des traces rouges s’incrustèrent sur les poitrines sans manches. Quelques-uns s’effilochèrent. Certains rebroussèrent chemin jusqu'à leurs placards afin de moisir, avant la benne. D'autres cicatrisèrent et affrontèrent le feu de l’été. 

Le gilet cramoisi résista ou s’oublia. Puis prit l’allure de têtes pensives munies de bras, jambes toniques et libres s’acheminant inlassablement vers une maison sans toit ni fenêtre ni placard.

Dans les vestiges d’un coin de penderie, Pinocchio est assis. Jiminy, le petit grillon vêt la marionnette d’un gilet jaune. Pinocchio prend vie…La fée bleue les regarde.


Marie-Noëlle Fargier



lundi 1 juillet 2019

Les mots propres






Les mots propres

Ils sont fiers les mots propres issus d’une bouche aux dents parfaites, aux lèvres légèrement pincées. Ils raisonnent ! Tant la tête qui les transporte est haute. Ils s’alignent les uns après les autres dans un rythme volontaire, une cadence réfléchie, sage et posée. Ils leur arrivent même d’inviter quelques confrères cernés de parenthèses. Là, le ton se ralentit, agrémenté d’un sourire complice pour mieux être entendu et surprendre. Ils s’ingénient avec jouissance à faire intervenir les guillemets qui encadrent les mots savants, ceux élégamment rangés dans les majestueuses bibliothèques aux parfums de cuir et aux filaments d’or. Les mots propres n’autorisent aucune intervention, aucune interruption. Ils sont le savoir. Quelle indélicatesse d’oser les couper lors d’une tirade ! Ils ont tant de choses à dire et à transmettre ! Ils sont la « générosité ». Les guillemets se referment d’un air vaniteux, un sourcil en circonflexe d’afféterie.

A bon entendeur…

Justement les entendeurs ne les comprennent pas toujours (même le plus souvent). Il faut dire que les mots figurés sortent de lèvres généreuses aux têtes basses et n’ont pas la dent longue. Ces mots aseptisés leur sont étrangers. Leurs amies, les parenthèses tintinnabulent de jeux de mots, les rires fusent. Les guillemets ont parfois leur place par les souvenirs de classe aux odeurs de cahier, ou par la bibliothèque municipale aux murs bétonnés. Les mots figurés s’entrechoquent, se bousculent et laissent toujours de la place aux autres tant ils ne sont pas corsetés. Ils s’assortissent de gestes audacieux, fraternels. Ils sont vivants. Les mots figurés traduisent le meilleur et le pire.

Salut !

-         « L’éducation n’est, en somme, que l’art de révéler à l’être humain le sens intime qui doit gouverner ses actes, préparer l’emploi de ses énergies et lui communiquer le goût et la force de vivre pleinement. » Henry Bordeaux
-        -  Oh putain, c’est vrai ça ! (le mot sale m’a échappé 😊 ).

mardi 18 juin 2019

Critique de "Je ne sais ni lire ni écrire" émission littéraire "Des Mots Niaques"








La glycine des Sokokis

J’arrive par ce chemin étroit emprunté par quelques riverains
Un portail lavande me confie ses sourires botaniques et mondains

Celui de Syrie, cerné de petits cailloux, rempart conglomérat
Emprisonnant la pluie, nourricière de la haute Vicia Faba

Celui du Maroc, tapis doux et verdoyant
Air mentholé, breuvage savant

Celui du Mali, jardin pigmenté
Piquant de couleurs vives et de saveurs corsées

Celui de France, sol bigarré, paillé, désordonné
Ou discipliné de tuteurs où les herbes folles s’émiettent.

Je continue mon tour du monde ouvert à tous les gentilés
Une vigne, un prunier sauvage gardent une maisonnette

La porte d’entrée est close de pétales blancs, fins, odorants
Je les bouscule un peu, fâchés ils s’éparpillent sur ma chevelure osée.
Je comprends que ce lieu ne m’est pas destiné
Il est réservé aux enfants du jardin.

Sur le seuil un mot apparaît « Bonheur ».


samedi 15 juin 2019





Il est humble, discret et bienveillant. Il se nomme Paulak Akakpo.

Son monde est prétentieux d’œuvres démesurées qui éclatent de couleurs ardentes, lumineuses, intenses, bouleversantes. Le couteau transperce les pigments, éruption de reliefs. Je voyage au centre de la terre, au cœur de l’humanité. Impressionnée, je m’approche prudemment de chaque tableau. Je découvre alors un coucher de soleil pourpre, une mer azurée, un ciel orageux, une terre embrasée. Je rencontre Empédocle.

D’œuvre en œuvre, je contemple, me rassasie de ces instants fugaces qu’offre la lumière sur notre terre, offerts par petites touches de la main de l’artiste sur un tableau sacrifié par l’effondrement de la planète.


 Serait-ce une vision sur le devenir de la terre ou celle de son origine ?

mardi 14 mai 2019



« Je veux du soleil » Volonté divine ? 

Non le réel, le vécu et le présent de ces hommes, de ces femmes, leurs enfants autour d’un rond-point illuminé de jaune par leurs mains qui se reconnaissent, s’étreignent et se soutiennent, par leurs rires et sourires dérisoires, boucliers de leurs peines, par leurs regards qui, enfin, osent espérer. SOLEIL. Cette volonté de tendre vers lui, parce qu’il est leur seul salut ? Rêve et poésie, seules issues inévitables pour Être. Parce que leur existence est assourdissante, bouleversante, poignante de leurs maux.

 Et puis parmi ce foutoir de vies délabrées, usées, trône un portrait démesuré. Visage buriné, creusé, ridé, regard désenchanté, soumis à la fatalité de sa vie misérable, sourire doux et bienveillant pourtant…Tel un roi, un vrai. Roi de cœur, il s’appelle « Marcel ». Le corps maltraité d’une vie de labeur. Stigmates du système.

Le film continue comme traversé par des spots publicitaires : le faux roi apparaît. Acteur au visage lisse et parfait, regard emprunté, sourire déguisé, Don Salluste est sur scène.

La mer, une plage, un chant, celui d’une sirène blessée par la main inhumaine. Sa voix traverse les nuages d’un ciel assombri. Son chant envoûte les hommes, les femmes, les enfants des plus démunis, aux derniers préservés. Ils s’assemblent. Le puzzle éclaté par la main des puissants se reconstitue. La mélodie chaleureuse, humaine les transporte vers ce qu’il y a de meilleur : vivre unis.  Ils se rejoignent et se fortifient.  Ensemble ils dessinent un soleil. Le vœu se réalise.

 Le cœur de l’astre pourrait être la terre et ses défenseurs, chaque rayon un être de cette planète.

Le soleil c’est toi, c’est moi, c’est nous.

jeudi 21 mars 2019

Extrait de "Je ne sais ni lire ni écrire"

Un petit extrait de "Je ne sais ni lire ni écrire" en vente à


"La Terrasse d'Isa" 1 place du Breuil au Puy, 


"Le Dolaizon 2.0" 16 avenue Charles Massot à Vals 


" Auchan" à Brives Charensac. 


Vous pouvez également le commander par mail mnoellefargier@gmail.com avec en plus une dédicace 




dimanche 3 février 2019





Voilà mon dernier manuscrit « Je ne sais ni lire ni écrire ».

Je remercie Akepo Séguédé, artiste peintre, mon ami Paul pour l’illustration de la couverture. Chaque toile d’Akepo Séguédé vous transporte de couleurs, vous murmure des mots à l’oreille qui vous ravissent et vous ouvrent les yeux.

Un jour, un ami me dit « Pourquoi n’édites-tu pas tes textes, tes poésies, tes nouvelles… ? ». 
Il suffit d’une rencontre, d’une parole pour redonner le sens que l’on croyait perdu. Dans les moments les plus durs, il y a toujours la rencontre attendue et celle(s) de votre passé qui vous ont fait grandir. Tel est le cas avec cette petite fille et ce vieil homme qui ne sait ni lire ni écrire.

« Je ne sais ni lire ni écrire » démontre que le bon sens, la sensibilité, l’intelligence ne fréquentent pas exclusivement les salons des grandes écoles, les hautes sphères.

Ce livre s’adresse au peuple, aux ignorés et non ignorants, aux humains qui observent, ressentent et se questionnent, et non aux poseurs d’étiquettes.  Il n’est pas recommandé aux adeptes de l’académisme.

« Je ne sais ni lire ni écrire » est en autoédition. C’est mon choix.



samedi 19 janvier 2019

La Sarabande




En ce jour de novembre, une sarabande jaune claire traverse les ruelles et les rues sombres. Elle brave les avenues dorées.
Têtes hautes, audacieuses, des femmes, des hommes jeunes et vieux proclament d’une même voix les mêmes mots d’une partition non répétée, non orchestrée, seulement spontanée, évidente, inévitable. Leur dignité ébréchée mais encore présente, ils marchent pacifiquement vers leur dernier espoir. Une dernière volonté avant la faim.  Celle d’être entendu, d’avoir une réponse de ceux qui ne sont plus le peuple. Ouvrir les yeux à ceux qui les ignorent. Omission confortable ou sincère ? Ouvrir les oreilles aux malentendants du pouvoir, toucher la justice. Ecrire leur vécu, les injustices subies. Les cahiers de doléances s’ouvrent une nouvelle fois.
REPONSE :  SILENCE

De semaine en semaine, le mouvement s’exécute, les battements de cœur se multiplient. Une œuvre s’accomplit. Celle des mains négligées, oubliées, humiliées.
Les maîtres d’orchestre s’étonnent et s’agitent de cette soudaine harmonie, symbiose. Des baguettes martèlent les têtes relevées pour arrêter ce balancier. La sarabande jaune ne fléchit pas. Le rythme s’accélère. Epidémie dansante. Les intellectuels tentent de déchiffrer ces notes inconnues, noires, blanches, toutes confondues. Ils s’y perdent. L’âge de la musique est indéterminé.  Les colporteurs se rangent en colonne ordonnée sous la manchette. La bohème se cache. La sarabande jaune, elle, découvre son visage avec le même nom.
 REPONSE : ARROGANCE

De mois en mois, les gilets s’enfilent et déambulent, prolifèrent, vocifèrent, obnubilent et horripilent. Le gilet épouse toutes les formes maigres et anguleuses. Celles du pauvre à l’avenir cachectique. Le mouvement s’enfle des plus arrondis, résistants, solidaires ou craintifs du même sort ? Qu’importe ! La colère monte face au silence, face à l’arrogance. Elle s’entend, se voit, défie. Les rondouillards, goinfrés de galette et du pain des osseux sans la moindre pudeur, tressaillent. La sarabande doit cesser ! Les camelots des mots s’égosillent de fausses rumeurs. Les « Flageolet » se déchaînent, aveuglent, mutilent, emprisonnent la sarabande. Elle pleure, gémit, souffre. Amputée de membres, d’organes, elle continue.
REPONSE : VIOLENCE

Le pauvre, le moins pauvre, le futur pauvre, des colporteurs, des bohèmes, des humanistes rythment la sarabande. Elle danse encore et encore jusqu’à…LA REPONSE.
REPONSE aux cahiers de doléances : lettre publipostage
REPONSE aux cris de souffrance : paroles aux écharpes tricolores

Les gilets jaunes ne peuvent être les destinataires directs de l’un ou de l’autre. Leurs boîtes aux lettres débordent d’offres promotionnelles. Ils n’ont pas la science de la rhétorique. A l’instar des plus forts, ils n’ont ni l’éloquence ni l’art de convaincre. Ils sont le peuple. Un peuple qui invente, un peuple doté de nouveaux savoirs :  le bon sens, l’égalité et le respect de l’Etre et de la Terre. La sarabande flotte librement, sans attache, aucune.