Serrés les uns contre les autres, ils étouffaient ; les
épaules écartelées par des cintres de fer, sclérosés, ils se taisaient. Une
obscurité totale régnait dans la penderie de la maison du maître. Sans faux pli
ni faux col, ils attendaient au mieux le Secours Populaire au pire la
déchetterie !
Enfin, un jour ils entrevirent un filet de lumière. L’oiseau
messager fit coulisser la porte et les invita à sortir tous ensemble dans la
rue. Les gilets se décadenassèrent, les cœurs palpitèrent ! Chacun retrouva sa
couleur primaire sous le soleil automnal. Il prit la liberté de se teinter de
mots, de dessins dénonçant ses conditions de vie dans ce placard. Phénomène
incroyable, chaque dressing s’écroula ; les gilets sortaient et dansaient sur
le pavé. Plus ils espéraient, plus ils se coloraient.
La maison-mère ne
supporta pas ce chaos, cette pigmentation audacieuse qui pouvait devenir un
mélanome pour ses fondations. Sans hésiter elle les atomisa à coup de gaz
toxiques. Des traces rouges s’incrustèrent sur les poitrines sans manches. Quelques-uns
s’effilochèrent. Certains rebroussèrent chemin jusqu'à leurs placards afin de
moisir, avant la benne. D'autres cicatrisèrent et affrontèrent le feu de l’été.
Le gilet cramoisi résista ou s’oublia. Puis prit l’allure de têtes pensives
munies de bras, jambes toniques et libres s’acheminant inlassablement vers une
maison sans toit ni fenêtre ni placard.
Dans les vestiges d’un coin de penderie, Pinocchio est assis.
Jiminy, le petit grillon vêt la marionnette d’un gilet jaune. Pinocchio
prend vie…La fée bleue les regarde.
Marie-Noëlle Fargier
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