samedi 19 janvier 2019

La Sarabande




En ce jour de novembre, une sarabande jaune claire traverse les ruelles et les rues sombres. Elle brave les avenues dorées.
Têtes hautes, audacieuses, des femmes, des hommes jeunes et vieux proclament d’une même voix les mêmes mots d’une partition non répétée, non orchestrée, seulement spontanée, évidente, inévitable. Leur dignité ébréchée mais encore présente, ils marchent pacifiquement vers leur dernier espoir. Une dernière volonté avant la faim.  Celle d’être entendu, d’avoir une réponse de ceux qui ne sont plus le peuple. Ouvrir les yeux à ceux qui les ignorent. Omission confortable ou sincère ? Ouvrir les oreilles aux malentendants du pouvoir, toucher la justice. Ecrire leur vécu, les injustices subies. Les cahiers de doléances s’ouvrent une nouvelle fois.
REPONSE :  SILENCE

De semaine en semaine, le mouvement s’exécute, les battements de cœur se multiplient. Une œuvre s’accomplit. Celle des mains négligées, oubliées, humiliées.
Les maîtres d’orchestre s’étonnent et s’agitent de cette soudaine harmonie, symbiose. Des baguettes martèlent les têtes relevées pour arrêter ce balancier. La sarabande jaune ne fléchit pas. Le rythme s’accélère. Epidémie dansante. Les intellectuels tentent de déchiffrer ces notes inconnues, noires, blanches, toutes confondues. Ils s’y perdent. L’âge de la musique est indéterminé.  Les colporteurs se rangent en colonne ordonnée sous la manchette. La bohème se cache. La sarabande jaune, elle, découvre son visage avec le même nom.
 REPONSE : ARROGANCE

De mois en mois, les gilets s’enfilent et déambulent, prolifèrent, vocifèrent, obnubilent et horripilent. Le gilet épouse toutes les formes maigres et anguleuses. Celles du pauvre à l’avenir cachectique. Le mouvement s’enfle des plus arrondis, résistants, solidaires ou craintifs du même sort ? Qu’importe ! La colère monte face au silence, face à l’arrogance. Elle s’entend, se voit, défie. Les rondouillards, goinfrés de galette et du pain des osseux sans la moindre pudeur, tressaillent. La sarabande doit cesser ! Les camelots des mots s’égosillent de fausses rumeurs. Les « Flageolet » se déchaînent, aveuglent, mutilent, emprisonnent la sarabande. Elle pleure, gémit, souffre. Amputée de membres, d’organes, elle continue.
REPONSE : VIOLENCE

Le pauvre, le moins pauvre, le futur pauvre, des colporteurs, des bohèmes, des humanistes rythment la sarabande. Elle danse encore et encore jusqu’à…LA REPONSE.
REPONSE aux cahiers de doléances : lettre publipostage
REPONSE aux cris de souffrance : paroles aux écharpes tricolores

Les gilets jaunes ne peuvent être les destinataires directs de l’un ou de l’autre. Leurs boîtes aux lettres débordent d’offres promotionnelles. Ils n’ont pas la science de la rhétorique. A l’instar des plus forts, ils n’ont ni l’éloquence ni l’art de convaincre. Ils sont le peuple. Un peuple qui invente, un peuple doté de nouveaux savoirs :  le bon sens, l’égalité et le respect de l’Etre et de la Terre. La sarabande flotte librement, sans attache, aucune.


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