Comme la plupart des parents à l’égard de leurs enfants, on ne peut qu’être heureux lorsqu’on a la chance de remarquer que sa progéniture va bien, s’épanouit dans son travail. Ce qui est rare aujourd’hui. J’ai cette chance. J’avoue que lorsqu’il m’a annoncé son choix de métier, j’étais perplexe (le mot est indulgent envers moi-même). Être comédien était pour moi un sacré challenge. Fils de prolos, sans nom qui sonne bien aux portes artistiques, je voyais sombrement son avenir. Aujourd’hui je le vois faire rire, pleurer et réfléchir. En tant que mère, je suis fière de lui bien sûr (comme beaucoup d’entre nous le ressentons pour nos enfants), c’est un être généreux dans sa vie. En tant que femme j’éprouve beaucoup de respect envers cet homme, ses choix et ses créations artistiques. Il joue la comédie comme son métier l’exige. Il aime offrir le rêve, il aime donner l’émotion. Mais également Il sait être engagé. Il n’oublie pas ses racines. Celles de la plupart d’entre nous. Celles qui suent pour émerger à l’air soi-disant libre. A sa façon et grâce à son travail d’écriture et de mise en scène, il fait prendre conscience, il déterre. Sans jugement, avec discernement. Tel est le cas dans la pièce qu’il a créée « La guerre des neuf ans », tel est le cas aujourd’hui avec ‘Contagion » de François Bégaudeau. Côte à côte près de ce Monsieur qui lui a fait l’honneur d’assister à sa pièce, j’ai perçu la vraie intelligence. Celle qui ne se satisfait pas de l’étiquette « d’intellectuel », celle qui va vers l’autre, qui en a le souci. Celle qui veut transmettre sa connaissance sans se prétendre « sachant ». Juste un acte de générosité dans un but de justice entre les humains. Parce que la connaissance est le droit de chacun.
Pour partager ce moment de
« Contagion » avec vous, j’ai écrit ces quelques mots.
« Contagion » de François Bégaudeau
Sacré challenge de mettre en scène l’écriture de celui qui
parle des plus nombreux en dépeignant les autres. Celui qui décrypte les
mécanismes de leur machine infernale.
Pari gagné au Théâtre Karbone
à Lyon avec « Contagion » de François Bégaudeau, mise en scène par
Pierre-Hugo Proriol et un jeu exceptionnel des trois comédiens.
La mise en scène :
Comédiens, pieds cloîtrés par des formes géométriques
parfaites, inviolables. Seuls les murs évoluent. D’abord tapissés de posters de
héros, d’une mappe monde sur laquelle de ça et de là des post-it à la colle
fugitive se déplacent, tombent. Stigmates de l’éveil éducatif ? Puis les
murs rapetissent. Gros plan : la photo de la star journalistique, liberté de
l’horizon médiatique ? Enfin les murs s’alignent, sagesse et connaissance
du monde culturel ?
Les écrans et le son envahissent
l’espace restreint. Le son s’approprie la pensée. L’image traverse le corps par
une mise en scène curieuse, originale.
Les comédiens :
Des face à face soigneusement choisis évoquant des générations
différentes dans les sphères de la transmission de la connaissance, de
l’information et de l’art. L’adolescent et son ancien professeur. Ce dernier
qui sera face au journaliste et face à l’artiste. L’intrigue se manifeste à
travers le professeur. Le sachant ne sait plus. Pourra-t-il « retrouver »
une place dans la société ? A l’instar de son ancien élève, il cherche, il
se cherche. Savoir ou Être ? La boucle sera-t-elle bouclée ?
Des monologues où la pensée à son apogée, révèle une
introspection fine, intense.
Les dialogues font boire le calice jusqu’à la lie, les
monologues sont l’antidote. L’interprétation des comédiens renforce subtilement
ces excès.
« Contagion » de François Bégaudeau vise les
prémices de la décontamination en faisant appel à un questionnement, une remise
en question, sans dénoncer. Chacun trouve sa réponse car enfin chacun comprend
la fabrication de cet agent infectieux qui inocule la pensée, le comportement.
Cet univers viral pourrait être lourd, pathologique. Il n’en
est rien. L’esthétique et l’humour par la mise en scène, le jeu des acteurs sont
omniprésents. Emotions, sourires et rires.
La dérision ne serait-elle pas un des contre-poison de
« contagion » ?
« Contagion » est un huis-clos d’ouvertures vers...