jeudi 25 novembre 2021

Être Vivant

 



Être Vivant

Je déteste penser, écrire sur l’être humain. Il m’apostrophe, me révolte, me dégoûte. J’aime penser, écrire sur l’être vivant. Il me rassure, me fascine, m’affriande. J’aime appartenir à cette engeance, à elle-seule, aux locataires de cette sphère souveraine. Tisserands des filaments trophiques. Ère édénique. Vivants, unique prérequis !

L’autre sur ses deux pattes de bouc s’invente un désir. Se tenir droit. Être le dominant. Il pourrit l’Eden. Le plus grand d’entre eux s’installe au cercle de l’enfer, jouit d’une jeunesse éternelle, fabrique son propre soleil et ses propres étoiles. Au sanctuaire d’Asclépios « sommo jussus » (ordre de dormir), il éthérise l’humain de faiblesse, d’obéissance, de soumission. Il donne vie à chaque démon. Terreur nocturne- Paralysie du sommeil. Incubes et succubes sévissent. Le grand mal. Le Colisée investit la sphère souveraine. L’humain dans l’amphithéâtre se délecte des chairs des gladiateurs, prisonniers de guerre, condamnés à mort, esclaves et des animaux sauvages.

Yeux grands ouverts, les spectateurs aux riches parures des loges spéciales jubilent. Dans ceux des autres, le mydriatique agit encore...

L’incubation :  rite divinatoire, infection invisible.

Puissions-nous devenir Vivants ?

Marie-Noëlle Fargier

mardi 2 novembre 2021

"Un rêve rendu à Cézanne" Charles Simond

 

Parfois un gigantesque désordre, maître de l’esprit souffle telle « la burle », tourbillonne les spectres inconscients - Prison d’un labyrinthe inexorable.

« Chaque lecture est un acte de résistance. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même » Daniel Pennac.

 


Ce texte je le dois à Charles Simond par son livre « Un rêve rendu à Cézanne ». Les phrases ou mots en italique sont issus de ce rêve.  Est-ce un rêve, un désir, une volonté de croiser des destins en défiant le temps, une rencontre obligatoire d’êtres semblables, rencontre divine, terrestre ? L’encre, la peinture ont tout pouvoir.

 

Au jardin, le prunier sauvage ne laisse plus de trace de son passage terrestre. Les pommiers agrippés au grillage résistaient à l’abattage. Ce matin une brume légère camouflait notre vallée. L’air blanchâtre concédait sa froidure immaculée, délicatement saupoudrée au concert multicolore des quatre saisons.

 La lune automnale éloignée de l’astre brûlant, d’une parfaite rondeur, translucide, honore un buste. « les ombres bleues du matin…la genèse des tons ». La sève alliée à la main dévastatrice avaient sculpté un corps.

La maigre silhouette me captive. Elle dépasse le muret et sa vieille clôture. Tête légèrement inclinée, coiffée d’une casquette, elle ignore mon regard, scrutant le lointain.  Serait-elle fâchée ? Ou serait-elle un messager ?  Soudain, elle me rappelle l’inventeur du jardin.  Celui qui a fait de lui un verger, une terre nourricière pour sa progéniture. Terre de fruits goûteux, de racines fortifiantes.  Il s’appelait de son vrai nom « Etienne » dit « Gustave ».  Les « carcasses » tombent en rade. Le paysage se fige. Les bras m’en tombent. La lune demeure fidèle à son exceptionnelle mission de l’aurore. « Vous avez mis l’éternité dans l’instant ».

Je m’arrache à ce moment contemplatif du haut de mon balcon où je fume la première cigarette de la journée…J’entre. Sur la table du salon, un livre peint de couleurs chatoyantes. Je l’ouvre. Geste presque oublié. Un mot puis un autre se succèdent réveillant cet univers qui bouillonne en moi et que j’avais abandonné sur un fourneau éteint.  Il faut dire que les parfums culinaires créés par Colette « ce soir, festin. Je sais- Evangile selon Gasquet !- que Cézanne aime la viande rouge et les Vieux Bordeaux » ont aussi activé les aiguilles de l’horloge harmonieuse. 

La lampe à pétrole aurait-elle les charmes de celle d’Aladin ? 

Peut-être Gustave est-il en train de converser avec Ramon et Cézanne ?

« La faillite du mot est le début de la communication »                    

 

Marie-Noëlle Fargier

 


Des fissures, des crevasses percent des roches, pierres indestructibles.  Des plantes sauvages fleurissent à travers l’architecture d’érosion.

Des plissures, des craquelures sillonnent une chair, ossature éternelle. Des pensées vagabondes nourrissent l’alchimie poétique, miraculeuse.

Quête d’un amour idéal, d’une âme sœur ? Faudrait-il aimer un seul être quand chaque être importe ? Quête d’un corps parfait quand l’autre est déformé ?  Faudrait-il le scalpel d’Hébé pour enterrer les fleurs sauvages ? Quête d’un épanouissement personnel quand l’autre se fane ? Faudrait-il un mode d’emploi monnayable pour vivre solitairement heureux ?

Quête d’un dynamisme universel de jouvence consommable ? Faudra- t-il démolir l’architecture du temps et emmurer l’alchimie créative ?

 Pour qui ? Pour quoi ?

J’aime les plantes sauvages et les pensées vagabondes. Elles me rappellent le géni de la terre et de ses êtres vivants excepté l’un d’entre eux…


Marie-Noëlle Fargier