Avant de te voir, te rencontrer, te connaître, je t’ai lu ma
belle. Encre sensible à ta force et ta splendeur. De cette encre issue de tes
abysses. Ceux de la Garonne. Miroir de ses rives clinquantes, majestueuses.
Fleuve tantôt lisse et soumis, tantôt révolté et provoquant.
Je t’ai suivie au gré des pages « Ecoute ma Garonne ».
Je t’ai entendue. Raz-de-marée noirs de chair torturée. La bouche édentée
expulse la poussière d’or sur les pierres de la ville. L’homme aveuglé de ses
lèvres pincées s’abreuve du métal inoxydable. Dépendance immortelle. Raz-de-marée
rouges de chair suante. De ses mains usées fabrique les argentiers. Ouvriers mis
en cale. Raz-de-marée dorés de chair soyeuse. De ses ongles manucurés soudoie
Dionysos. Paquebots à quai. Oriflamme faste, couleur aurifère. Dépendance
immortelle. Qu’ont-ils fait de toi ?
Et puis, tu m’as parlé d’elle. Ta compagne sauvage. Dordogne
se nomme-t-elle. Librement elle circule avant de te rejoindre dans ta prison
humaine. Emmurée, bétonnée. Elle te raconte ses rives de terre et d’arbres et
de fleurs, ses poissons, son tapis de flore. Toi qui n’es plus qu’un vide de
souillures. Elle se souvient de son berceau dans les monts Dore, sans
malédiction. Elle serpente au caprice
des reliefs, rencontre le lys, s’aventure à travers son homonyme. Refuge des
indomptables. Comme elle, affranchis. Elle s’amuse de quelques embarcations
indiennes. Mémoire. Gène de sagesse, de savoir. Elle rêve de ces corps nus qui glissent dans
son onde. Volupté. Servitude des sens. Couronne champêtre sans blason ni
étendard. Dépendance vitale. Ils t’ont épargnée.
Enfin, tu m’as parlé de lui et je vous ai suivies. Chargées
d’eau douce et d’eau de mer. Orchestrées par la marée vous façonnez vases,
bancs de sables et îles. Le colérique mascaret ne vous néglige pas. Enlacées au Bec d’Ambès vous vous jetez dans
l’océan. Toujours unies et victorieuses. Raz-de-marée oubliés. La terre se dessine
d’un archipel où il fait bon vivre, initié de vos vagues.
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