Une petite
feuille toute verte vient de naître. Abasourdie et heureuse d’avoir quitté la
nébuleuse, elle s’accroche tant qu’elle peut à cette branche qui n’en veut. Elle
n’en a cure, le limbe sera son armure.
Mais le
pétiole s’étiole, La petite feuille s’envole.
Elle se
réfugie auprès du chêne, du châtaignier, du pommier…-Se nourrissant de chaque
destinée- Puis le limbe jaunit, elle doit chercher une autre maisonnée. En quête
de racine, elle se pose alors sur de prétentieux porteurs… fragiles, cassant à
la moindre tornade.
De tempêtes en tempêtes, le limbe noircit et s’émiette.
Dénudée de
sa couleur, ossue de ses nervures si fines, devant tous ces feuillus elle se
sent étrangère et si faible. Elle désespère. Et tombe jusqu’à l’Ibis qui lui
dit :
- - Que
t’est-il arrivé ?
- - J’ai
virevolté, me suis accrochée, espéré !
- - Oui
tu t’es trop faite d’idées, tu as dénaturé chaque pensée de cette forêt !
- - Oui,
c’est le mot « dénaturé ». Peut-être voulais-je simplement me sentir
aimée ?
- - Foutaise !
Tout n’est que fournaise !
- - Tu
dois avoir beaucoup de sagesse, Ibis ?
- - J’ai
beaucoup écrit, je connais la magie, je sais guérir…
- - Alors
pourquoi ne m’as-tu pas soignée ?
- - Ta
maladie se nomme « ignorance »
- - La
raison de ma vie d’errance, rajoute la petite feuille.
Elle regarde
ses nervures, revoit sa couleur si verte puis jaune, revit ses croyances. Un bec en fer enfin la saisit. Le pétiole se détache…
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