J'ai lu...
Journée pluvieuse de bruits
métalliques. Une petite lampe éclaire des mots. Mon vieux chien dort. Des
barreaux noirs, mastocs grillagent l’astre.
Je lis silencieusement. Soudain de cette cage, les mots tambourinent si
fort qu’ils m’obligent à les libérer. Alors, je les chuchote. « C’est elle qui nous conduit quand on a
guéri du jour et de ses bruits ».
« Elle », ce pourrait être Œdipe
« La nuit nous égare sur un chemin imprévu, le silence est un simulacre.
Ou une absence » ; « Elle » ce serait une Amazone
fantasmagorique « On se dit que la nuit ressemble…aux nuages qui font de
grandes batailles là-haut, à la chair des rêves devenus fous, à des mots
étouffés…, à des couleurs violentes… ».
La voix exorcise la chimère, elle
s’accorde à la poésie. Je lis presqu’à voix haute. « On s’installe dans un présent qui
suffit à la nuit. On s’assoit sur la pierre en plume d’oie de l’éternel retour.
Et les regrets sont morts. »
La poétesse m’invite, de valses en
errances, à travers cette multitude de lumières « Tu laisses alors planer
tes yeux dans l’air et tu attrapes des petites poussières qui volent dans un
rayon de lumière. Tu penses sans raison à une expo de peinture… ». Lueurs
tamisées, éclairs aveuglants ; tantôt flambeau, tantôt chandelier.
« Elle », métamorphose
du phœnix. « Elle » quête perpétuelle ou oracle lunaire, peut-être
une sorte de mise en ordre. « On fait le tour à l’intérieur de soi »,
« Tout un charivari perdu en soi ».
Puis, il est « quatre heures
passées ». Sous mes doigts, le
livre se partage et je murmure « Toutes les nuits sont pleines de
lunes ».
« Un grain de soleil tombe
dans la mer »
Brigitte Giraud m’entraîne dans
cette phase entre la nuit et l’aube ; elle décrit avec finesse et grande
poésie cet état physique ou mental qui oscille entre les deux mondes. Un déchirement s’insinue avec le
« on », le « tu » mettant fin aux têtes à tête avec
soi-même. Puis Le mouvement s’accorde au
son du piano. Serait-ce un corps qui, longuement, s’étire ? Avec lui, tous
les sens œuvrent, comme dans une volonté de s’extraire de la torpeur nocturne. « Tu
sors dans le jardin goûter l’air mouillé… ».
Et puis le jour est là. « La
nuit s’écorche dans le bruissement des arbres…les ombres s’effondrent sur le
lit, et creusent des abîmes où coucher encore des rêves flous. » L’auteur
de ce texte beau, profond parvient à une symbiose des éléments, des êtres, des
choses. Il n’y a pas d’échelle, de hiérarchie, de chronologie, en revanche une
synchronicité certaine. Le lecteur écoute le tap tap tap de la pluie, le
bruissement du vent ; essuie d’un revers main les gouttelettes qui
jaillissent, caresse les plumes du rapace des images monochromes.
Chaque mot, chaque poème, chaque
page incarne le repli ou l’éclosion de l’être seul ou avec l’environnement.
« Toutes les nuits sont pleines de
lunes » est un hymne au temps.
« Un éclat d’aube nous traverse comme le temps sur nos vies. »
Marie-Noëlle Fargier
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