Je t’avais promis une vie paisible à toi le citadin, à l’abri
de mes vieilles montagnes. Au coin de l’âtre, absorbés par les flammes
dansantes incandescentes. Chaleur partagée au fil des pages de nos poètes, de
nos penseurs. Notre encre allait déferler dans une mer bleue, calme et
tranquille. Légitime sagesse de navigateurs avertis. Enfin nous pouvions
Vivre !
C’était sans compter sur ce que nous sommes. C’était
s’asphyxier dans le salon aux volets clos. C’était oublier les autres. Ne pas
entendre les cris des démunis, des défavorisés, des oubliés. Ne pas voir la
sarabande jaune pleurer, huée, blessée et meurtrie. C’était sans compter sur ce
que nous sommes.
Nos plumes s’affûtent de mots dénonciateurs. Océan hautain et
capricieux, naufrage des plus faibles.
La froidure de la rue au fil de nos vociférations. Vaisseaux thrombosés de
coups de matraque. Œil crevé.
Le soir la cheminée crépite notre absolu désarroi, un jeune
s’est immolé.
Puis, le printemps s’enhardit de l’enfermement humain. Le
jardin ne se partage plus. L’homme pauvre est cloîtré dans ses murs.
Silence et soumission.
L’arrogant dédaigneux s’allie à l’entité biologique. Ils isolent
les plus vulnérables, les ridés, les handicapés. Sens abolis. Affects interdits. Seul le petit écran est
permis. Il diffuse en boucle leur prochaine destinée.
Glissement et mort.
Dehors la nature attise l’audace, la maison est glaciale. On
éteint le téléviseur.
Nos plumes se taisent. L’encre se fige.
Huxley et Orwell sortent de la bibliothèque. Dystopie et servitude
s’imposent sur nos fauteuils. Dehors on
aperçoit les premiers signes de leur procréateur. Technologie hors pair,
technologie inimaginable. Et le crabe sévit encore. Plus fort encore que
l’entité nommée « Covid » numérotée, robot d’une fiction désuète. Tel
un bolide, elle le met au fossé avec ses familles pathologiques. Science
oblige. Ces négligés gonfleront le score de la fatale issue.
L’usine des gilets jaunes s’épuise, ferme ses portes. Trop de
demandes. Plus de travailleurs pour les fabriquer. Licenciements à la pelle.
Fibre indestructible, ancrée dans nos mémoires. Comme l’entité, elle a fait
peur et pourtant…
Il n’y a plus de bois. Le jardin ne sait plus la saison.
Nous ne sommes pas résignés, la peur ne sera pas notre maître.
Ce serait sans compter sur ce que nous sommes.
Nos plumes n’en finiront pas d’écrire. Nous survivrons !
Marie-Noëlle Fargier