Quelques
souliers, des bottines, beaucoup de godillots écrasent les pavés rutilants au
rythme des tambourineurs ou tambouyés. Les gargouilles des façades liftées se
dérident. A leurs pieds, des denrées aux palais fins, des panoplies luxueuses, fantaisies
et design de l’ère vitale. Les euros flambent. Les quelques souliers les
ignorent, les bottines les snobent, les godillots ahuris des chiffres décrottés
freinent leur allure.
Les
bâtons frappent la tôle des barriques. Percussion
fabriquée des pauvres. Rien de bidon. Volonté
et fierté. Derrière le son, des pieds nus marchent dans la même direction.
Humanisme. Justice. Un son salutaire pénètre le vide des intérieurs vétustes
pour la plupart, habités par les démunis. Seules les façades et leurs panards
de marque importent. Les gargouilles exultent « au diable ! ». Elles
se font l’écho de plus en plus fort du timbre supplicié, guerrier. Sa plainte,
son cri exhortent les voix solidaires, inconnues au bataillon. Complainte
ancestrale et lointaine. Fûts en bois, métal et bâtons pour taper. Bois pour
implorer l’aide des ancêtres – bâtons pour ne plus être frappés. Peau noire,
siècles d’esclavage, le tambouyé résiste.
Peau blanche déshéritée, siècles de servitude, le tambouyé renaît. Même
cause – même effet. Argent/domination/capitalisme – Misère/châtiment/destruction.
La
quête inlassable à la richesse des persécutants, saigne l’homme sage, humble
noir ou blanc, éventre et sacrifie sa terre. Du tambour bèlè à la caisse
insolite, le tambouyé psalmodie la souffrance, cadence l’unité, carillonne les
consciences. Celles de l’opprimé, du démuni, du manipulé. Les bâtons du
tambouyé écrabouillent la peur. Il
coupe le sifflet au fouet, aux balles. De son roulement il remembre les
mutilés, condamne à mort les exécutions, sans pas de l’oie. Il lance la
générale face aux derniers soupirs de son alliée, la terre, ruinée par les
caprices des argenteux.
Tambour
humble, fait de bois ou métal, souvent inventé par des mains crevassées. Son
tambouyé, lui, ne porte pas les gants blancs militaires. Ses battements scandent
la liberté, l’égalité moyennant la blessure ou la mort. Champ de bataille. Son
centurion orchestre la conquête de sa dignité.
Percussion
sacrée de Gaïa à ses Êtres.
Marie-Noëlle
Fargier