mercredi 5 mars 2025

Puis-je continuer à écrire ?

 

Puis-je continuer à écrire ?  Mes doigts sont-ils assez agiles, ne vont-ils pas trembler sur les lignes droites et dirigées ? Plan horizontal, perpendiculaire d’une pesanteur parallèle. Je ris.  Ma main doit se coordonner à la volonté des tas de potiches humaines. Á leurs désirs universels de légèreté, de superficiel. Mon écriture doit se concentrer sur un unique objet : « le moi ».  Existe-t-il un temps quasi réel dans le présent et inévitable dans le futur ? Je devine l’avenir de cet objet, reflet de la société, qu’on appelle « le livre ».

Ainsi, le mot gardera l’éclat du jeune, du beau, sans rayure. Il aura un unique dessein : transmettre l’acceptable.  Un dosage subtil, mesuré avec un filet d’intrigue, quelques gouttes de sexe, une larmichette d’Histoire ; le tout mixé dans un verre à cocktail bleu nuage, rose pâle. Évidemment les affects tristes empoisonneraient l’encre, ils seront donc bannis. Entre autres. Quel bien-être pour l’esprit et le corps !  Roman léger comme une plume ! Plus de passion, plus de guerre. Quelle sérénité !  Fini la torture de la page blanche des écrivains sans bobos. Fini la quête des synonymes, le champ lexical deviendra un petit pré.

-      -  Cependant pourra-t-on encore attribuer à la lecture, la vertu d’évasion ?

-      - Bah non, le mot « vertu » perdra ses antonymes, alors survivra-t-il ? Quant à « l’évasion » sera-t-elle encore vitale ?  

-      -  Les livres qui apportent la connaissance, la culture (comme les essais), vont-ils disparaître ?

-     -   Comment dire ?... Non. Seule l’orientation changera. La connaissance sera la connaissance de soi, le développement personnel. La culture gardera sa définition au sens large, allégée de quelques mots.

«La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. »


-       Sommes-nous entrain d’oublier ? « Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire » Marcel Proust.

 


Je relis ce texte que je viens d’écrire. Il est long, sans image, ni photo  ; sera-t-il lu ?

Il devient la clé de mon prochain roman, je vous transmettrai le premier passage dans environ un an, si Dieu ou je ne sais quoi, le veut.

Marie-Noëlle Fargier

dimanche 23 février 2025

Ailleurs

 

Je lève la tête sur une rosace titanesque tissée de plumes d’anges, l’œil s’égare, se liquéfie parmi elles. Elles jouent avec l’intrus, virevoltent en pas de danse négligemment savants, sautillent d’un arc de cercle à un autre, m’isolent de la Terre.  Elles s’irisent de traînées céruléennes, pailletées d’or. Elles me portent, m’emportent. Les notes du piano d’Elle(s) me subjuguent, elles s’entrelacent, inséparables. La grâce d’Elle(s) me saisit, on danse, indissociables de strate en strate vers une lumière chaude. 
Soudain, le tourbillon me bouscule, m’écartèle, m’emprisonne dans une destinée irréversible. Je reviens. Je saisis quelques pétales, les accroche aux cordes d’une partition,  pour ne pas oublier. Les fleurs givrées fondent sous mes doigts.  
Des larmes chaudes raniment les restes charnels.

 

Février 2025

Marie-Noëlle Fargier

lundi 27 janvier 2025

Rêve

 

Rêve presque éveillée, spectatrice du fil de ma vie, tissée de métaphores élégantes, douces et cruelles, de câbles de passeurs puis d’attaches rompues, recousues, effilochées. Je m’accroche désespérément à des haillons de camisole. Les mots se déchaînent en agonie, je veux les oublier. Puis ils sonnent telle une symphonie, je voudrais les écrire. Le rêve se poursuit, murmure des phonèmes, « le moi, le ça et le surmoi » se chahutent, je voudrais rire en explosant ces « entre-soi ». J’y parviens. Je me lève, une pluie épaisse s’accorde au lever du soleil. Des gouttelettes perlent sur les feuilles argentées de l’olivier. J’invite Bach à se joindre à nous.  Un coq chante. Quelques flammes dansent encore dans l’âtre…

lundi 12 août 2024

à chaque être vivant,

 

À chaque être vivant,

 

Il accompagne nos vies, sans bruit ou presque. Quelques sons de gratitude et d’amour inconditionnel. Il apaise nos humeurs capricieuses d’humains prétentieux. Fidèlement.

Il est trop souvent le souffre-douleur, l’oublié de la condition terrestre dans la hiérarchie du vivant. Il est parfois le serviteur de l’homme, son larbin sans droit avec le devoir de travailler et obéir. Il ne doit jamais faillir à cette seule destinée, sinon l’humain s’en débarrasse sans embarras. Celui-là l’achète, le vend, le donne, le troque, l’abandonne, le maltraite, le tue. Il est sa chose tel un esclave. Lui, continue à l’aimer.

Il hennit, il aboie, il miaule, il braie, il bêle, il piaille, il meugle, il caquette etc. Le maître du langage snobe ses galimatias et déblatère sur ces sous-classés de la nature qui traînassent sur terre, les domestiqués. Le dictateur planétaire lui arrache ses petits, se nourrit de sa chair... Il l’enferme, il l’entasse, il l’écrase, il l’engraisse. Il est sa machine à sous.  Industrie- Rendement.  Lui, continue à espérer.

 

Lui, continue à l’aimer, Lui, continue à espérer. Quelques bipèdes sur pieds entendent cet appel et luttent pour la dignité de l’animal.  Des associations agissent, des politiques dénoncent. « La dignité », terme galvaudé, utilisé des plus grands aux plus petits, au sens détourné, arc-bouté, des philosophes aux religieux, piétiné par le capitalisme toujours plus fort, exercé par l’argentier toujours plus riche.  Il me plaît d’utiliser ce terme « dignité » pour la bête, la mettant enfin sur le même palier que l’être humain quel qu’il soit. L’animal n’est pas l’unique victime, la vulnérabilité attire le dominant, il tatoue la peau du pauvre type, puis le dégrade jusqu’aux oubliettes. Il suffit d’être sans emploi, puis sans toit, il suffit de percevoir un salaire ou une pension de retraite indécents, il suffit d’être sans soutien familial, il suffit d’être né au mauvais endroit, lourd de la mémoire des colons, lourd d’un pouvoir dictatorial, lourd d’irrespect démocratique, il suffit d’être sans papier, il suffit d’être sans territoire, expatrié, il suffit d’être différent, il suffit…

 

La main humaine se régale d’user de la maltraitance. Elle est capable de franchir le mur de l’imaginable jusqu’au génocide qu’il soit animal ou humain. Ignorance, cruauté ? Bourreau, doté d’une conscience excessive de sa propre valeur, éborgne l’autre sans scrupule.  Le mufle a un besoin incessant de propriété du territoire et de tout être vivant. Influence capitaliste ?  L’humain peut être ainsi. Il parvient même à justifier de tels actes ! Fort de son pouvoir, il sait faire détourner les regards, faire baisser les yeux et fédérer les peuples à ses actes pervers.  Ceux qui osent résister, parler, écrire, dénoncer, subissent les insultes et...

Face à ce réel indiscutable d’atrocités, l’acte barbare perdure sur toute notre planète. L’Histoire n’a de cesse de se répéter.  Faut-il prendre conscience que demain chacun de nous peut devenir la victime pour qu’enfin la barbarie cesse ? C’est un leurre de choisir le camp du criminel en pensant éviter devenir sa proie ! Il y aura toujours un tyran pour naître sur cette terre, prêt à mettre en œuvre son despotisme. Savoir le dénicher et le stopper dans une cité où domine la Sagesse. La distance n’est plus une excuse. Abattre les frontières et mettre fin aux génocides, guerres, massacres, tueries, incendies, bombardements.

Un enfant, seul, continue de pleurer loin de moi et pourtant je pourrais le bercer contre mon sein ; la terre s’étouffe sous nos déchets, l’air s’asphyxie de notre pollution et l’univers saigne sous nos bombardements.

 

Il suffirait de décapiter celui qui depuis des siècles nous enchaîne, faisant de nous des choses, des robots, des machins.

Il suffirait de penser. Pour toi, pour moi, pour notre survie.

 

Marie-Noëlle Fargier

mardi 23 juillet 2024

Notes de lecture "les Croque-mitaines du Peuple- de l'Elbe à la Loire"

 

Je dis souvent l'auteur n'est rien sans le lecteur et lorsque ce dernier vous interpelle, vous écrit pour vous parler de lui. "Lui" avec lequel vous avez tant partagé, tant imaginé, tant vécu qu'il devient réel. Il est au-delà d'une histoire, il s'incarne en chair, en os, en pensée. Enfin à sa naissance, il ne distingue plus l'auteur ou le lecteur. Il est l'essentiel et qu'importe qui a lu ou qui a écrit. Quel bonheur de le partager et de parler de lui, simplement.
Reconnaissance.




Un livre à croquer

Chère Marie-Noëlle,

Juste pour te dire que j'ai commencé et avancé ton livre et que déjà je suis impressionné par la documentation et le rattachement très bien articulé entre grande histoire et histoire privée.

Un grand travail littéraire où les dialogues sous ta patte singulière, souvent ironique et narquoise font mouche de page en page. Et donne grande vie à cet ambitieux projet, réussi.

Une oeuvre d'écrivaine accomplie qui mérite la plus grande visibilité. Un livre dans le sens de l'histoire avec toute la subtilité féminine et l'érudition qui va avec (un livre engagé, politique est toujours casse-gueule, mais ici, il est largement surmonté par la très belle facture artistique dans la continuité historique)…


Noëlle, bonjour !

Je viens de terminer « les croque-mitaines du peuple »…Autant te dire tout de suite que j’ai pris beaucoup de plaisir à te lire. Je t’ai d’ailleurs presque lue d’une traite…Ton écriture est fluide, elle coule bien et sa simplicité est idéale pour raconter une histoire. Et quelle histoire ! Qui semble, si l’on en croit l’avertissement, avoir un rapport avec ta propre histoire…Tes personnages essentiels sont très sympathiques, Franz, Markus, France, Waagal et autres. Ils sont aussi très humains et porteurs de si belles idées…J’ai été pris par cette histoire, très déçu de ne pouvoir rencontrer Marlène et presque à verser une larme à …Plus le roman avance, plus les idées se dissolvent dans la chair des personnages et plus le roman est prenant…

dimanche 21 juillet 2024

 

Je t'ai appelé Anna

Il y a 35 ans

Amputée de mes bras

Mon doux enfant

Je crie ton absence

Les hommes de science ont scié notre alliance

Le silence de tes pleurs

Petite Anna

Ta vie sans heure

Ton âge sans odeur

Ton sourire sans chaleur

Tes yeux sans couleur

Petite Anna

A jamais meurtrie

Par la pieuvre autopsie

Seule, à te connaître

Mon petit être

Ma main sur mon ventre mortuaire

Je te berce sur le chemin de l'autre ère

Mon corps accouche de ta mort

Le tien laissé à l'abandon

Seules, à subir ce sort

Par l'interdit de ton nom

Aujourd'hui je l'écris

Je le chante, je le vis, je te vis

Anna,

Ma fille.