Puis-je continuer à écrire ? Mes doigts sont-ils assez agiles, ne vont-ils pas
trembler sur les lignes droites et dirigées ? Plan horizontal,
perpendiculaire d’une pesanteur parallèle. Je ris. Ma main doit se coordonner à la volonté des
tas de potiches humaines. Á leurs désirs universels de légèreté, de superficiel.
Mon écriture doit se concentrer sur un unique objet : « le moi ».
Existe-t-il un temps quasi réel dans le
présent et inévitable dans le futur ? Je devine l’avenir de cet objet,
reflet de la société, qu’on appelle « le livre ».
Ainsi, le mot gardera l’éclat du jeune, du beau, sans
rayure. Il aura un unique dessein : transmettre l’acceptable. Un dosage subtil, mesuré avec un filet d’intrigue,
quelques gouttes de sexe, une larmichette d’Histoire ; le tout mixé dans
un verre à cocktail bleu nuage, rose pâle. Évidemment les affects tristes empoisonneraient
l’encre, ils seront donc bannis. Entre autres. Quel bien-être pour l’esprit et
le corps ! Roman léger comme une
plume ! Plus de passion, plus de guerre. Quelle sérénité ! Fini la torture de la page blanche des
écrivains sans bobos. Fini la quête des synonymes, le champ lexical deviendra
un petit pré.
- - Cependant pourra-t-on encore attribuer à la lecture,
la vertu d’évasion ?
- - Bah non, le mot « vertu » perdra ses
antonymes, alors survivra-t-il ? Quant à « l’évasion » sera-t-elle
encore vitale ?
- - Les livres qui apportent la connaissance, la culture
(comme les essais), vont-ils disparaître ?
- - Comment dire ?... Non. Seule l’orientation
changera. La connaissance sera la connaissance de soi, le développement
personnel. La culture gardera sa définition au sens large, allégée de quelques
mots.
«La culture, dans son sens le plus
large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels
et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société
ou un groupe social. »
-
Sommes-nous entrain d’oublier ? « Tant que
la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au
fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son
rôle dans notre vie est salutaire » Marcel Proust.
Je relis ce texte que je viens d’écrire. Il est long, sans
image, ni photo ; sera-t-il lu ?
Il devient la clé de mon prochain roman, je vous
transmettrai le premier passage dans environ un an, si Dieu ou je ne sais quoi,
le veut.
Marie-Noëlle Fargier